Le Mexique est un pays dont j'ai fait la connaissance en 1995, par hasard. Et depuis, je suis resté coincé. 

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vendredi 20 septembre 2013

Il était une fois à Uxul

Octobre 1413, Uxul, village de la région 
qui deviendra plus tard "Campeche". 

Il fait beau et chaud ou l'inverse, je ne sais pas exactement. 
La saison des ouragans vient de s'achever sans trop de dégâts et je vois danser 
ma mère le long du Golfe clair. 
Chacun vaque déjà à ses occupations habituelles. 
Les chasseurs chassent, les pêcheurs pêchent, les agriculteurs agricultent et les prêtres 
touchent des petits garçons. Le train-train, quoi. 



Moi je ne bosse pas : je suis soldat et mon nom est Ah Chuen. 
Mes hommes et moi-même, on est en mission de surveillance des abords d'Uxul, notre village. 
Faut vous dire qu'en ce moment on est en pleine embrouille avec Calakmul, la capitale 
du coin (coin) qui formule des prétentions de plus en plus inacceptables en matière 
d'impôts et de prélèvements de toutes sortes : récolte, gibier, jeunes filles... 
On se croirait sous le règne de Flanby-le-Mou ! 


Alors Chuenil Kim, notre cacique bien-aimé, a décidé que ça suffa comme ci et que 
non plus, merde, hein. 
Depuis, on refuse de payer l'impôt. 
Alors on surveille les abords, car on se doute bien qu'on ne va pas tarder à 
voir apparaître les ennuis, matérialisés par les sales tronches des collecteurs d'impôts 
assermentés. 

Il n'y a qu'une seule voie qui mène à notre village depuis Calakmul, alors j'ai posté 
la moitié de mes effectifs dans les bois qui bordent ladite voie. 
L'autre moitié est déployée autour du village, pour si des fois on décidait de nous 
attaquer par derrière (le mariage pour toutes n'a pas encore été inventé). 

Je n'ai pas peur : nous sommes plus de 100, les villages voisins s'étant ralliés 
à notre cause et nous ayant prété de la main d'oeuvre. 
Nos armes ont été révisées et sont en parfait état de fonctionnement : 
Epoztopilli, cuauhololli, macanas, boucliers ronds et, mon arme favorite, le maquahuitl, 
massue aplatie en bois incrusté de lames d'obsidienne, affuté façon rasoir, voyez-vous ? 
Nous n'avons pas pris les atlatls, ce propulseur de lance n'étant pas adapté au type 
d'action que j'envisage. 



Au niveau uniforme, on la joue sobre. 
Des fois, pour les guerres fleuries ou autres batailles de prestige, on se sape façon 
mylord avec des plumes chamarées partout où on peut s'en mettre, colliers, pagnes 
en poil d'Uku etc. 
Mais aujourd'hui, nenni mon ami. 
J'ai autorisé les plumes vertes de quetzal, les gilets en peau de jaguar, nos boucliers 
sont recouverts de branchages et nos corps d'athlètes presque nus (salut les filles) 
sont couverts d'une pâte sombre que l'on obtient en mélangeant de la cendre, de la terre, 
des coquillages pilés et de la merde. 
Car je viens d'inventer le camouflage, voyez-vous ? 



Ça fait déjà plus d'une lune que l'on planque dans les bois et dans le silence et je sens 
bien que l'heure approche. 
Je n'ai pas trop de mérite à le deviner car mes éclaireurs viennent de revenir et m'annoncent 
qu'une troupe d'une cinquantaine de Calakmulfrites (habitants de Calakmul) s'en vient, 
visiblement animée d'intentions inamicales, armés comme ils sont. 

En moins de temps qu'il n'en faut pour, nous avons l'objectif en visuel. 
Effectivement, les mecs c'est des costauds sur-armés et leur groupe est impressionnant. 
Ils sont en tenue de gala, largement emplumés, et revêtus d'armures de cuir (les Calakmul 
marinières). Ils progressent rapidement, sans se cacher, ce qui les rend encore plus 
impressionnants. 
Les vers de notre poète K'Or Neï me viennent à l'esprit : "Sur moi donc cette troupe 
s'avance, et porte sur son front une mâle assurance". 
Je comprends maintenant ce qu'il voulait dire... 

J'éprouve un petit pincement aux testicouilles : l'affaire n'est pas gagnée d'avance... 
Mais notre scénario est bien rôdé et on a répété 1000 fois. 
Que je vous explique en deux mots : A 100 pas du village se trouve l'orée de la forêt. 
Le but de la manoeuvre, c'est que les Calakmulfrites n'en sortent pas vivants (de la forêt). 
Vous comprenez ou il faut que je répète ? 
Alors pour ce faire, nous avons pré-coupé de solides arbres qu'il nous suffit de détacher 
pour qu'ils dégringolent en travers de la route, écrasant au passage l'avant-garde Calakmulfrite. 
Et dans le même temps, mes commandos camouflés vont s'abattre sur les flancs 
et l'arrière-garde des soldats du fisc. 
Simple et brillant, non, sans me vanter, hein ? 



Ainsi fut fait. 
Je vous passe les détails de l'affrontement, tellement l'affaire fut rondement menée. 
Je me contenterais de vous dire que, comme je ne suis pas du genre planqué, 
je me jette au combat avec l'ardeur du hardeur que je suis. 
Mon fidèle maquahuitl tournoie si vite qu'il en devient invisible. 
Je tranche des têtes, coupe des bras, des jambes. Je reçois des coups, j'en donne encore plus. 
Le sang qui bourdonne dans mes oreilles couvre le bruit de la bataille. 
En quelques secondes, je suis couvert de sang, le mien et celui de mes victimes. 
Les Calakmulfrites sont de rudes combattants. L'effet de surprise ne les a pas paralysés, 
vous pouvez me croire. 
Ils réagissent vite et bien, ne débandent pas et offrent une résistance digne de leur rang. 
Car visiblement, on ne nous a pas envoyé la piétaille. 
Des seigneurs de guerre, les mecs, ça se voit tout de suite. 
Mais bon, je ne vais pas faire durer le suspense, on leur met quand même une bonne patée. 

Je ne saurais trop vous dire la durée exacte de la bataille, ma montre ayant été cassée 
dès le début de l'engagement, mais je l'estimerais à la durée d'une bonne pipe. Ou de deux 
cigarettes. Pas plus en tous cas. 
Tous les Calakmulfrites sont plus ou moins morts, sauf ceux qui se sont rendus. 
On y a aussi laissé des plumes, si j'ose dire, et un bon nombre des cadavres ensanglantés 
proviennent de mes troupes. 
Les morts, on va les balancer dans une fosse commune que j'ai fait creuser, prévoyant 
comme je suis. 
Les survivants, s'ils sont sympas, on va les garder et les intégrer dans la vie d'Uxul. 
Sinon, on les mangera. 
On est comme ça, nous autres Mayas. 

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Septembre 2013, Uxul, Campeche 




"Les ossements de 24 victimes décapitées et démembrées viennent d’être découverts dans une grotte maya située au sein du site archéologique d’Uxul, au Mexique.  Ce sont les restes d’un véritable massacre qui ont été découverts au Mexique par des anthropologues de l’Université de Bonn en Allemagne. Sur le site archéologique d'Uxul, où ils mènent fouilles et investigations depuis près de cinq ans, ces spécialistes ont retrouvé des os appartenant à une vingtaine de personnes tuées il y a environ 1.400 ans à l'époque des Mayas" 
ICI 


"Les restes de 24 individus retrouvés dans une ancienne citerne d'Uxul, Campeche 
(...)ce réservoir contenait des ossements humains appartenant à 24 individus qui ont été soumis à différents examens médico-légaux. Une des premières observations faites par l'équipe du Projet Uxul est que les crânes n'étaient pas disposés en prolongement du corps comme on l'observerait dans le cas d'individus jetés vivant dans un cenote. Ils gisaient épars tout au tour du réservoir, résultat d'une décapitation et non d'un second ensevelissement. L'analyse des ossements a confirmé cette hypothèse. Des traces de coups violents portés au moyen d'une hachette en pierre ont été détectées sur les vertèbres cervicales. Sur le front d'un crâne on a même repéré une fracture, résultat d'un éclat provenant d'une masse ou d'un gourdin, probablement utilisé pour étourdir la victime avant de la décoller. Des traces de coupures faites avec des instruments relativement tranchants sont visibles sur d'autres." 
ICI 


"Bodies at Uxul show how Maya dismembered their ennemies. Researchers of the Department of Anthropology of the Americas at the University of Bonn have discovered a mass grave in an artificial cave in the historical Maya city of Uxul (Mexico). Marks on the bones indicate that the individuals buried in the cave were decapitated and dismembered around 1,400 years ago. The scientists assume that the victims were either prisoners of war or nobles from Uxul itself." 
ICI