Lettre d'un ami (que j'aurai pu écrire) :
Je suis triste pour mon pays. L'assassinat particulièrement sauvage d'un professeur m'indigne et me met en rage pour tous les symboles piétinés que cela représente. La réponse du Président m'afflige. "Ils ne passeront pas. Ils ne nous diviseront pas. L'obscurantisme ne gagnera pas".
Mais ils sont déjà passés, depuis longtemps. Tous les voyants sont rouge-vif depuis au moins 20 ans. Tous les politiques le savent, mais le cruel manque de courage de leur part produit ses effets chaque jour. Depuis des années notre vie quotidienne est rythmée par les actes terroristes et la criminalité, issus d'un même terreau. Aucune mesure forte n'a été prise. Des mots, toujours des mots, de la compassion et de l'affliction qui dégoulinent, pour rien. Jusqu'au choix de la formule qui relève d'une farce tragique : no pasaran, mot d'ordre des Républicains espagnols contre le franquisme. On sait comment cela s'est fini. Mais au moins, les Espagnols, eux, se sont battu.
La division est là depuis tout aussi longtemps. Quand des élus de la République participent à des manifestations aux côtés de ceux qui crachent leur haine de la France à longueur de journée. Quand on trouve toujours des gens pour défendre l'indéfendable, quand une française convertie se pavane à l'Assemblée Nationale en tenue prosélyte sans faire lever plus de boucliers, il n'y a plus grand chose à espérer.
L'obscurantisme nous cache un peu plus la lumière depuis longtemps. Quand on pousse les gens à toujours préférer "l'autre", on finit par ne plus s'aimer soi-même. En nous noyant parmi une mosaïque de communautarismes religieux, ethniques, sexuels... aux visées antagonistes mais unis contre ce que nous sommes, ce qui faisait notre identité, le socle de la nation, a été dissous. Les Français tels qu’ils étaient il y a 30 ans à peine sont devenu le groupe le plus honni, méprisé, moqué, accusé de tous les maux et coupable par principe.
Je suis triste parce que la France était un beau pays ou il faisait bon vivre. Les signes et alertes indiquant le basculement imminent du point de non-retour ne produisent pas de réaction.
Je pense au livre de Gabriel Garcia Marquez intitulé "Chronique d'une mort annoncée", à celui de Jean Raspail "Qui se souvient des hommes", à la BD de Tardi "L'espoir assassiné".
Je suis triste car d'espoir je n'en ai guère de voir revenir les jours meilleurs