Nikte-Ha aimait Iktan et Iktan aimait Nikte-Ha.
Et
inversement.
Nikte-Ha avait 14 printemps alors qu'Iktan en avait 14 aussi.
Leurs
amours naissantes étaient quelque peu contrariées par le devenir
organisé de Nikte-Ha :
elle était en effet destinée à Chaac,
qui n'était pas un va-nu-pieds, hein, c'était quand même le Dieu
de la Pluie...
Alors
Nikte-Ha et Iktan cachaient leurs ébats préadolescents dans la
jungle proche de Chichén Itzá, au milieu des perroquets, des singes
hurleurs, des jaguars et des mygales.
Tous
deux étaient conscients du fait qu'il convenait de ne pas dépasser
les bornes des limites…
Leurs jeux amoureux allaient donc aussi
loin qu'il était concevable pour deux jeunes Mayas à la sexualité
exigeante, tout en préservant le dû du Dieu, à savoir la virginité
vaginale de la chiquita.
Pour
le reste, il repassera, le Chaac, faut pas exabuser non plus.
La
passion de nos deux petits amis allait croissant (au beurre) à
mesure qu'approchait la date fatidique du sacrifice de Nikte-Ha :
le jour de son seizième anniversaire.
Et
plus la date approchait, plus Iktan trouvait abusif de se voir ravir
son amour par un Dieu auquel il n'accordait qu'une croyance limitée.
Depuis
ses plus tendres années, le garçon avait fait preuve d'un esprit
acéré et méritait amplement son prénom d'Iktan (le débrouillard).
La
vision de Nikte-Ha précipitée vivante dans le Cenote Sagrado de
Chichén Itzá lui devenait peu à peu et de plus en plus
insupportable et faisait naître en son jeune corazón un fort
sentiment d'injustice qui lui était encore inconnu.
Il
faut dire qu'au Yucatán en cette année 950 de notre ère, les
sacrifices humains étaient partie intégrante de la vie quotidienne
et il était d'usage de les accepter comme tel, ni plus, ni moins.
On
voyait les parents mener leurs jeunes enfants aux prêtres pour le
sacrifice rituel, avec le sentiment glorieux d'inscrire leur
patronyme dans la hiérarchie de la cité.
Ainsi
en était-il décidé pour Nikte-Ha et ainsi en serait-il.
Sa
famille l'avait accepté, et elle aussi, malgré son jeune âge,
l'avait compris et savait que son espérance de vie ne dépasserait
pas son seizième anniversaire.
Au
plus profond de son coeur, elle en concevait même une certaine
fierté dont le reflet lui était renvoyé par le regard soumis des
adultes de son environnement.
Elle
aimait même se pavaner dans les allées de Chichén Itzá, depuis
les bains de vapeur jusqu'au Tzompantli du Templo Norte, telle la
promise du Dieu Chaac qui allait en retour assurer une météo
clémente et de bonnes récoltes de maïs pour l'année à venir.
Cependant,
elle évitait de dépasser la plateforme de Venus, sous la pyramide
de Kukulkán, et d'emprunter l'allée qui menait au Cenote Sagrado,
lieu des sacrifices, où l'on mettrait bientôt un terme à sa courte
existence.
Et l'évocation d'Iktan venait exponentiellement ternir l'éclat de ses magnifiques yeux noirs.
A
suivre…