Mayan Drums
Depuis
ce matin les tambours résonnent sans discontinuer.
Les
rues de la cité sont vides sous le soleil écrasant du Yucatán.
Les
habitants sont terrés silencieusement dans leurs maisons et seuls
quelques chiens faméliques reniflent à droite et à gauche avec
l'air de se demander où sont passés les humains.
Les
grands iguanes gris surveillent du haut des murs surchauffés la
montée du soleil dans le ciel immaculé.
Lorsque
l'astre atteint son zénith, les tambours s'arrêtent subitement.
Les
prêtres quittent le temple de Kukulkán et dégravissent en bon
ordre les marches de la grande pyramide tandis que la foule
s'assemble sur l'esplanade.
Nikte-Ha
est recroquevillée dans la petite cellule sombre du temple de Venus
où elle est enfermée depuis plus d'un mois.
C'est
aujourd'hui son seizième anniversaire et elle ne vivra pas assez
longtemps pour s'en souvenir.
Ce
matin, les vestales l'ont vêtue de bleu et de blanc, couleurs de
l'eau et de la pureté.
Des fleurs fraîches ont été plantées dans ses cheveux.
Des fleurs fraîches ont été plantées dans ses cheveux.
On
la sort sur le perron et ses yeux déshabitués de la lumière du
jour la font horriblement souffrir.
La
fanfare redémarre et cette fois les religieux entonnent les chants
sacrés dont les refrains sont repris par la foule recueillie.
D’un
air empreint de sagesse, les musiciens usent de leurs instruments
avec vigueur, comme bon leur semble et la présence de leurs pairs
leur est indubitablement étrangère.
Ils sont peut-être sourds ?
Ils sont peut-être sourds ?
Tambours
en peau de serpent, conques, flûtes d’argile et crécelles de bois
rivalisent au lieu de s’unir et le résultat est particulièrement
cacophonique.
Nikte-Ha
est assise sur un siège porté par six membres de sa famille.
La
procession s'ébranle dans le soyeux froufrou des plumes de quetzal
et des tuniques bariolées.
L'allée
qui mène au Cenote Sagrado est assez longue mais elle lui semble
aujourd'hui ridiculement courte.
La
preuve : les voilà arrivés sur l'aire de lancement.
Elle
se tient debout au bord du vide, tremblante, les poings serrés sous
le menton.
Ses
orteils nus s'accrochent désespérément au calcaire surchauffé.
Les
prêtres baragouinent des mots qu'elle n'écoute pas, et jettent dans
l'eau des bijoux, de la nourriture et des poulets vivants.
Les
ploufs sinistres sont à peine audibles.
Le
temps dure longtemps.
Elle
fait pipi sous elle.
Elle
ne voit plus rien, n'entend plus rien.
Iktan.
~•~
Une forte bourrade la propulse entre les parois abruptes du puits sacré.
Son
hurlement terrible réveille les clameurs de la jungle et les cris
des singes et des jaguars l'accompagnent dans son dernier voyage.