Le Mexique est un pays dont j'ai fait la connaissance en 1995, par hasard. Et depuis, je suis resté coincé. 

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samedi 12 avril 2014

Les amants de Chichén - chapitre 6


Mayan Drums

Depuis ce matin les tambours résonnent sans discontinuer.
Les rues de la cité sont vides sous le soleil écrasant du Yucatán.

Les habitants sont terrés silencieusement dans leurs maisons et seuls quelques chiens faméliques reniflent à droite et à gauche avec l'air de se demander où sont passés les humains.
Les grands iguanes gris surveillent du haut des murs surchauffés la montée du soleil dans le ciel immaculé.
Lorsque l'astre atteint son zénith, les tambours s'arrêtent subitement.

Les prêtres quittent le temple de Kukulkán et dégravissent en bon ordre les marches de la grande pyramide tandis que la foule s'assemble sur l'esplanade.



Nikte-Ha est recroquevillée dans la petite cellule sombre du temple de Venus où elle est enfermée depuis plus d'un mois.
C'est aujourd'hui son seizième anniversaire et elle ne vivra pas assez longtemps pour s'en souvenir.

Ce matin, les vestales l'ont vêtue de bleu et de blanc, couleurs de l'eau et de la pureté. 
Des fleurs fraîches ont été plantées dans ses cheveux.

On la sort sur le perron et ses yeux déshabitués de la lumière du jour la font horriblement souffrir.

La fanfare redémarre et cette fois les religieux entonnent les chants sacrés dont les refrains sont repris par la foule recueillie.

D’un air empreint de sagesse, les musiciens usent de leurs instruments avec vigueur, comme bon leur semble et la présence de leurs pairs leur est indubitablement étrangère. 
Ils sont peut-être sourds ?
Tambours en peau de serpent, conques, flûtes d’argile et crécelles de bois rivalisent au lieu de s’unir et le résultat est particulièrement cacophonique.

Nikte-Ha est assise sur un siège porté par six membres de sa famille.
La procession s'ébranle dans le soyeux froufrou des plumes de quetzal et des tuniques bariolées.

L'allée qui mène au Cenote Sagrado est assez longue mais elle lui semble aujourd'hui ridiculement courte.

La preuve : les voilà arrivés sur l'aire de lancement.

Elle se tient debout au bord du vide, tremblante, les poings serrés sous le menton.
Ses orteils nus s'accrochent désespérément au calcaire surchauffé.
Trente mètres plus bas, la surface noire et glaciale du cenote ressemble à un lac d'obsidienne.



Les prêtres baragouinent des mots qu'elle n'écoute pas, et jettent dans l'eau des bijoux, de la nourriture et des poulets vivants.
Les ploufs sinistres sont à peine audibles.

Le temps dure longtemps.
Elle fait pipi sous elle.
Elle ne voit plus rien, n'entend plus rien.
Iktan.

~•~

Une forte bourrade la propulse entre les parois abruptes du puits sacré.

Son hurlement terrible réveille les clameurs de la jungle et les cris des singes et des jaguars l'accompagnent dans son dernier voyage.

A suivre…